Carte du combattant de Louis Abba, cote 718 D 1/1. © Archives départementales du Bas-Rhin

Rechercher un soldat ayant survécu : les dossiers d'anciens combattants

Rechercher un soldat passe le plus souvent par la consultation des archives miliaires, les états signalétiques et des services (ESS), mais ces documents peuvent se révéler très lacunaires.

En effet, du fait de leur intégration dans l’Empire allemand au moment de la Première Guerre mondiale, les trois départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ne conservent pas la même typologie de registres matricules que le reste du territoire français.

Les registres matricules concernant la Première Guerre mondiale ont en effet été établis par l’administration française après la réintégration des trois départements à la France en 1918, dans l’optique de recenser les hommes encore mobilisables. Ces registres ne concernent donc que les survivants du conflit susceptibles d’être appelés sous les drapeaux au moment du recensement. Dans le Bas-Rhin, ils ne sont tenus qu’à partir de la classe 1893, définitivement libérable au 1er octobre 1922, et prennent également en compte les engagés volontaires dans l’armée française encore soumis à des obligations militaires.

Ces registres présentent une double limite car :

  • les soldats morts au front et les survivants dégagés des obligations militaires en sont de fait exclus ;
  • les documents étant établis a posteriori par l'administration française, ils ne permettent pas de reconstituer le parcours des soldats ayant servi dans l'armée allemande pendant la Première Guerre mondiale : l'écrasante majorité des états signalétiques et de service de ces soldats se contente de la simple mention "service dans l'armée allemande".

Dans ce dernier cas, les états signalétiques et de service peuvent alors être très efficacement complétés par les dossiers d'anciens combattants.

A noter que pour les engagés volontaires dans l'armée française, la recherche se fait, de la même façon que pour les conscrits français, via les registres matricules conservés dans le service d'archives du département dans lequel s'est engagé l'Alsacien-Lorrain pendant la guerre. La plupart ont été numérisés et indexés dans le portail national Grand Mémorial, qui permet une recherche nominative. La recherche peut aussi se faire dans les registres matricules conservés aux Archives départementales du Bas-Rhin, sur lesquels auront été reportés les états de service de l'engagé volontaire pendant la Grande Guerre dans le cas où ce dernier, survivant du conflit, est établi dans le Bas-Rhin après 1920.

La fiche suivante propose une présentation des dossiers d'anciens combattants. Elle sera complétée à l'horizon du mois de novembre 2018 par l'intrument de recherche permettant de repérer un dossier individuel précis et d'en préparer la consultation en salle de lecture.

1. Présentation des dossiers

La loi de finance du 19 décembre 1926 crée l'Office national du combattant. Cet office est chargé d'attribuer, d'une part, la carte du combattant aux soldats de la Première Guerre mondiale, et, à partir de 1930, l'allocation de retraite aux demandeurs remplissant les conditions fixées par décrets.

Les Alsaciens-Lorrains, quoiqu’ayant servi, dans leur grande majorité, dans l’armée allemande, sont, dès le décret du 28 juin 1927, éligibles au titre d’ancien combattant et aux droits afférents. Les conditions d'attribution varient selon que l'on sollicite la carte du combattant ou la retraite du combattant :

  • obtenir la carte du combattant : seuls sont éligibles les Alsaciens-Lorrains redevenus Français en application du traité de Versailles (par réintégration ou réclamation), à condition d’être affiliés à un groupe régional d’anciens combattants de la Grande Guerre. Pour connaître les modalités de retour à la nationalité française après 1919, vous pouvez consulter la fiche de recherche dédiée à cette question ;
  • obtenir la retraite du combattant : les Alsaciens-Lorrains de plus de cinquante ans ayant combattu dans l’armée allemande doivent avoir la carte du combattant en leur possession et justifier de 90 jours de service effectif dans une unité combattante, d’une blessure de guerre ou de la qualité de prisonnier de guerre.

Le comité départemental de l’Office national du combattant du Bas-Rhin se charge de l’instruction des demandes pour les anciens combattants bas-rhinois mais aussi pour les Alsaciens-Lorrains établis ailleurs que dans les trois départements recouvrés. Ce sont ces dossiers, issus de deux versements de l’Office National des Anciens Combattants en 1978 (718 D) et 2013 (844 D), qui ont été indexés par les Archives départementales du Bas-Rhin.

2. Contenu des dossiers

Ces dossiers ont été établis dans le cadre des demandes de cartes du combattant ou des demandes d’allocation de retraite du combattant. L’obtention de la retraite du combattant nécessite de justifier ses services militaires. On trouve donc dans ces dossiers un certain nombre de justificatifs :

  • les papiers militaires allemands originaux (Militärpass, Soldbuch,…) ;
  • les relevés des services dans l’armée allemande, délivrés par l’administration allemande à partir de ses archives militaires qui seront par la suite détruites lors des bombardements de Postdam en 1945.

Certains dossiers contiennent la carte du combattant elle-même, des justificatifs médicaux ou encore des photographies.

D’autres dossiers sont des dossiers de secours. Ils sont la plupart du temps déposés par les veuves de guerre, souvent sans ressources suffisantes après la mort de leur époux. Les demandes de secours exceptionnel peuvent être saisonnières : elles sont régulièrement déposées pour acheter du charbon durant l’hiver. En fonction de la nature de la demande et de la somme d’argent sollicitée, on peut trouver certains renseignements sur les enfants de la famille, à charge ou non, afin de vérifier si ces derniers sont actifs, et si oui, si leur salaire leur permet d’aider leurs ascendants.

De façon générale, les dossiers sont ouverts au nom des demandeurs ou de leurs ayants-droit. Il n'est donc pas rare de trouver des dossiers ouverts ou continués au nom des veuves, voire des ascendantes ou parfois des soeurs des demandeurs. 

3. Périmètre des dossiers

Ces dossiers ne concernent que les anciens combattants qui ont fait valoir leurs droits auprès de l’ONAC après 1927. Sur l’ensemble des dossiers versés et indexés, près de 70 000 concernent des anciens combattants de la Grande Guerre. Tous n’étaient pas Bas-Rhinois au moment du conflit puisque l’office départemental de l’ONAC dans le Bas-Rhin a instruit les demandes de tous les anciens combattants établis dans le département après la guerre.

Les deux versements 718 et 844 D contiennent des demandes relatives aux deux conflits mondiaux. La Première Guerre représente toutefois 90% des demandes : environ 70 000 dossiers sont déposés au titre de la Grande Guerre et un peu plus de 7 400 au titre de la Seconde Guerre mondiale. Certains combattants, rares toutefois, ont participé aux deux conflits. On peut également noter que certaines ayants-droit sont à la fois veuves d'un combattant mort durant la Première Guerre et ascendantes d'un soldat tombé durant la Seconde Guerre. Enfin, quelques combattants, très minoritaires, ont participé aux guerres d'Indochine ou d'Algérie.